Au-delà du handicap, l’énergie des victimes de la dioxine

Depuis des années existe au Musée des vestiges de la guerre à Hô Chi Minh-Ville un espace destiné aux victimes de l’agent orange/dioxine. Là, celles-ci confectionnent des objets pour les touristes. Une manière de s’autonomiser et de s’intégrer à la société.

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Les produits confectionnés à partir de petits grains de verroterie. 

De jolis porte-clés, de petits chiens amusants, de charmants colliers ou des sacs à main… tous sont confectionnés à partir de petits grains de verroterie. Personne ne s’imagine que ces objets sont faits par des handicapés victimes de l’agent orange/dioxine.

Assis devant deux tables remplies d’objets  souvenirs, deux femmes et un homme enfilent patiemment les petits grains de verroterie. Des matelas sont posés sur leurs chaises pour que leurs têtes puissent dépasser de la table. À l’âge adulte, ces personnes sont aussi petites que des enfants  de 5 ou 6 ans.

Tous les matins, vers 08h30, ce groupe de victimes de la dioxine est présent dans cet espace du Musée des vestiges de la guerre pour travailler et vendre  des souvenirs aux visiteurs. Trinh Thai Chiên, 32 ans, est originaire de la ville de Buôn Ma Thuôt, province de Dak Lak (hauts plateaux du Centre).

Dang Thi Ngân, 46 ans, vient de la province septentrionale de Thai Binh. La plus jeune est Nao Nu Hoàng Lan, 29 ans, de l’ethnie Cham, province de Ninh Thuân (Centre). Tous sont nés avec une anomalie congénitale due à l’agent orange, une toxine à laquelle leurs parents ont été exposés durant la guerre anti-américaine. En raison d’un système musculaire et squelettique lésé, ces gens sont de mobilité réduite. Mais ils travaillent laborieusement. Ils font toujours de leur mieux afin de gagner suffisamment d’argent pour mener une vie autonome.

Une communauté soudée

Ngân, Chiên et Lan vivent tous dans la maison caritative An Phu, rue Xô Viêt Nghê Tinh, 21e quartier, arrondissement de Tân Binh, Hô Chi Minh-Ville. C’est le toit commun de 22 personnes handicapées, toutes victimes du terrible défoliant. Elles viennent de nombreuses provinces du pays, le plus jeune est un garçon de cinq ans. Ces personnes vivent en harmonie et s’entraident comme des frères et sœurs.

Chaque jour, ces invalides se rendent aux pagodes, aux sièges d’établissements caritatifs pour fabriquer des objets d'artisanat et les vendre aux visiteurs. Ngân, Chiên et Lan sont les seuls à travailler au Musée des témoignages de la guerre. "Ce travail n’est pas très difficile. Il nécessite seulement de la persévérance. Notre joie est de voir nos produits appréciés des touristes", confie Chiên.

Les parents de Trinh Thai Chiên ont cinq enfants - trois garçons et deux filles. Lui seul souffre de malformations congénitales: yeux en saillie, jambes contractées et poitrine bossue. Son père combattit dans des régions où l’agent orange fut répandu par l’Armée américaine. Heureusement, Chiên a des mains normales, ce qui lui permet d’accomplir ce travail artisanal.

Nao Nu Hoàng Lan, d’ethnie Cham, vient de la province de Ninh Thuân (Centre). Les tests médicaux ont conclu qu’elle avait été affectée par la dioxine. Ce défoliant lui a provoqué des malformations congénitales avec des bras courts, de petites mains et des doigts anormaux qui lui permettent malgré tout de réaliser de jolis objets.

Ngân, Chiên et Lan à l’espace pour les victimes de l’agent orange au Musée des vestiges de la guerre à Hô Chi Minh-Ville.

Quant à Dô Thi Ngân, elle est née et a grandi dans la province de Thai Binh, delta du fleuve Rouge, où plus de 30.000 personnes sont victimes de l’agent orange. Son père, qui a combattu sur les champs de bataille du Sud, a été infecté par la dioxine. De Thai Binh, elle s’est rendue à Hô Chi Minh-Ville et a été accueillie à la maison caritative An Phu, qu’elle considère comme un véritable foyer.

Surmonter les difficultés

"Notre vie et notre travail sont dus à la générosité de personnes qui nous aident et prennent soin de nous tous les jours", souligne Chiên. Quotidiennement, Chiên, Ngân et Lan prennent un bus pour se rendre au musée, situé rue Vo Van Tân dans le 3e arrondissement. Un parcours d’une demi-heure. Ngân et Lan amènent avec elles de petits fauteuils roulants. Chiên, quant à lui, apporte un petit tricycle comme moyen de transport pour se rendre de l’arrêt du bus au musée. Sur cette bicyclette spéciale, il va aussi à la cantine chercher le déjeuner de Ngân et Lan.

"Notre boulot n’est pas fatiguant. Chacun de nous travaille consciencieusement pour créer de beaux objets que les visiteurs apprécieront d’acheter et de ramener chez eux comme souvenirs. À Noël, nous fabriquons également des figurines de Père Noël, de Cendrillon et les affaires marchent bien", confie Ngân.

Les touristes étrangers admirent beaucoup la volonté et l’énergie de ces victimes de la dioxine. Carole Dardillac, une touriste française, s’est dite "très émue" de voir de ses propres yeux les graves conséquences de l'agent orange et, en particulier,  l'extraordinaire force vitale des victimes.

Selon Châu Phuoc Hiêp, directeur adjoint du Musée des témoignages de la guerre, l’établissement facilite toujours les activités des victimes de la dioxine. C’est un moyen de les aider à surmonter leur sort et de faciliter leur autonomie et intégration sociale. "Nous essayons toujours de vaincre les difficultés pour que chaque journée de notre vie soit remplie de joie", affirme Trinh Thai Chiên.


Texte et photos: Huong Giang/CVN

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