Au plaisir du palais

Le Vietnam n’a nul besoin de mettre les petits plats dans les grands pour charmer les papilles des gourmets. Sa gastronomie est à l’égal de son hospitalité: simple et surprenante.

>>De quoi être timbré

>>Sauts d’obstacles pour se mouiller

>>Si près et si loin

Et que la fête des papilles commence, ici avec la fondue du delta du Mékong!
Photo: CTV/CVN

L’une des plus sympathiques découvertes culturelles que l’on puisse faire d’un pays, en est son art culinaire. Mais, qu’on se le dise, la véritable cuisine vietnamienne n’a rien à voir avec les pâles imitations adaptées aux palais occidentaux que l’on peut trouver dans les nombreux restaurants asiatiques qui ont fleuris dans les rues européennes depuis quelques décennies. Comme le vert changeant des rizières, la gastronomie vietnamienne est faite de milles subtilités qui conjuguent l’art des contraires et des ressemblances, le paradoxe du sucré et du salé, du chaud et du froid, de l’amer et du douceâtre.

Une modeste page ne me permet pas de décrire en détail tout ce qui peut faire les délices d’un gourmet ou les joies d’un gourmand, du côté de la Mer Orientale. Contentons-nous d’aiguiser notre appétit par quelques amuse-gueules.

Complètement fondue

À tout seigneur, tout honneur. Ou plutôt, place à la reine de la convivialité et de la quintessence des goûts et des couleurs: la lẩu ou fondue vietnamienne, comme ses consœurs savoyarde, bourguignonne ou chinoise, n’échappe pas à son destin: être l’occasion d’un joyeux repas entre amis. La fondue, ça ne bouillonne pas seulement dans le caquelon. Ça pétille aussi dans le plaisir convivial, ça éclate de rires gargantuesques, ça à l’éructation collective, la fondue. Elle prend place dans de grands caquelons de métal, remplis d’un bouillon chaud, recouverts d’un couvercle, et disposés sur des réchauds.

Sur leurs larges bords, morceaux d’ananas, tranches de caramboles, cubes de tofu, et quartiers de tomates, attendent d’être jetés en sacrifice dans le liquide bouillonnant que l’on devine frémissant. Autour d’eux, de larges plateaux garnis en abondance de viande, fruits de mer et poissons, d’immenses assiettes supportant des jonchées de feuilles de courges, liserons d’eaux, et autres légumes odorants, des plats remplis de nouilles brunes et sèches. Les narines sont happées par des odeurs d’épices et d’herbes aromatiques que l’on pensait réservées au domaine des dieux.

Une table garnie en abondance de viande, fruits de mer et poissons...
Photo: CTV/CVN

On cuit d’abord les fruits de mer, mollusques et poissons, puis ensuite la viande. Attention pour les gourmands impatients ou pour les ventres affamés: il faudra attendre pour les plateaux de légumes verts et les nouilles. Dans un premier temps, après quelques minutes, l’officiant soulève le couvercle et pêche à l’aide d’une petite passoire, les aliments cuits, puis les dispose sur les bords larges du caquelon, pour que chacun puisse s’y servir avec ses baguettes. Et tout cela dans une cordiale atmosphère: les bras se frôlent, les mains se touchent, les plus près du caquelon servent les plus éloignés, les vapeurs subtiles des aromates et la chaleur des réchauds enveloppent les convives d’une douce intimité…

On déguste chaque morceau en manifestant bruyamment pour le goût et la cuisson parfaite. Entre deux bouchées, les verres se lèvent et se heurtent. Les yeux pétillent, les joues s’enflamment, les mots se bousculent en de joyeuses plaisanteries… Déjà les caquelons avides, véritables molochs culinaires, avalent les plateaux de feuilles et légumes qui, une fois ébouillantés, sont prestement ressortis pour conserver le plaisir de craquer sous la dent, en emportant avec eux les délicates senteurs du bouillon parfumé.

Les paroles se font plus fortes, les baguettes s’agitent plus vite, les bols se remplissent et se vident et les verres aussi d’ailleurs, ce qui rend sans doute plus vitreux ou plus canailles certains regards. Enfin, les nouilles sèches, dernières victimes de cette orgie de bonne chère, plongent à leur tour dans le bain bouillonnant, pour se transformer en de délicates friandises baignées par le goût de tout ce qui les a déjà précédées. Que du bonheur!

Soupes en cascade

Mais la table vietnamienne nous offre bien d’autres mets pour satisfaire notre curiosité gustative. Voici en cortège défiler la fameuse soupe, chère au Nord: le phở. Au poulet, au bœuf, aux boulettes… elles transpercent de leurs effluves les matins naissants, réchauffant les corps encore alanguis. Elles annoncent fièrement tous ces autres plats aux succulences multiples: le chả cá, ce poisson frit au curcuma sur un lit d’aneth, ou le bún chả, petite grillade de porc brûlante accompagnée de vermicelle de riz froid, ou encore le cá kho tộ, poisson grillé et cuit au caramel avec des morceaux de lard, du piment et de la cannelle.

Le "bánh xèo", sorte de crêpes aux crevettes et légumes.
Photo: CTV/CVN

Rien que d’y penser les papilles en frémissent de plaisir. Et puis voici aussi toute la cohorte des bún dont le bún bò Huế, vermicelles au bœuf sauté façon Huê, et des bánh comme le bánh cuốn, ravioli, le bánh xèo, sorte de crêpes aux crevettes et légumes. Soupes, ou petits pâtés, ils font la part belle aux pâtes de riz, en lamelle, en feuille, en rouleau, texture tendre et fondante en bouche, qui explose en feu d’artifice de saveurs à chaque bouchée… Et puis, on ne peut pas plier sa serviette et quitter la table sans faire une place à un plat bien modeste mais qui accompagne l’aventurier dans toutes les longues escapades en motos ou à pied à travers le Vietnam.

Empaqueté ou mis en rouleau dans de larges feuilles de bananiers, nature ou à la momordique, la cardamone, au cari, noir ou vert, il rassasie en quelques bouchées: c’est le riz gluant ou xôi. Quel plaisir d’en détacher avec les doigts, un morceau que l’on trempe dans un bol de cacahuètes pilées ou de lamelles de porc séché, et le porter en bouche comme une friandise que l’on mâchonne lentement, à la fois tendre et croustillante. Dégusté à l’ombre d’une bambouseraie, au sommet d’un col qui surplombe une vallée sauvage, on se dit que ce plat de paysan est aussi un plat de roi.

Vous avez brusquement faim? Alors laissez-vous faire… Bon appétit!


Gérard Bonnafont/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam.

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top