Écoles professionnelles, les autoroutes de l'emploi victimes de préjugés

Deux destins, deux décisions, deux parcours en école professionnelle et, après beaucoup d’efforts, deux exemples de succès et d’épanouissement personnels. Rencontres.

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Nguyên Thi Nhu Y dans le café qui l’embauche, à Di An, province de Binh Duong (Sud).
Photo : CTV/CVN

Un jour d’été 2019, Nguyên Thi Nhu Y, née en 2001 dans la province de Dak Lak, sur les hauts plateaux du Centre, a reçu l’heureuse nouvelle de son admission à l’Université de finance et marketing et à celle de Hùng Vuong. Toutefois, plutôt que de se lancer dans la voie des études supérieures, celle qui devait devenir une brillante étudiante a préféré ranger ses lettres d’admission au fond d’un tiroir, sans même en parler à ses proches. En effet, elle n’avait pas l’intention de suivre un cursus universitaire. Dès le début de la terminale, elle était déjà déterminée à intégrer une formation professionnelle.

Quand Nhu Y se met à rêver, elle ne voit pas les bancs de la fac mais s’imagine plutôt dans un petit café, en train de préparer boissons et gâteaux, selon ses propres recettes. "Mes amis et mes proches me conseillent d’aller à l’université pour avoir un bel avenir. Ils me disent d’ailleurs que le chemin le plus court vers la réussite est l’université. Je pense qu’ils ont raison mais ce n’est pas ce que je recherche. Je veux travailler dans un environnement libre où je pourrai élaborer mes propres recettes et devenir patronne d’un restaurant", confie-t-elle.

Son orientation professionnelle a longtemps préoccupé ses parents. Sa famille a même organisé pas moins de trois "réunions" pour discuter de son avenir. "Quel gaspillage que ces 12 années d’études !", lui répétait sa mère avec tristesse. Son père, lui, la pressait d’obtenir un diplôme universitaire pour ensuite devenir fonctionnaire et accéder à une vie stable.

Ne jamais abandonner ses rêves

Incapable de convaincre sa famille, Nhu Y a alors menti à ses proches pour intégrer une école professionnelle à Hô Chi Minh-Ville et y apprendre la cuisine. Sa formation sur la préparation des repas (17 séances) et le métier de chef de cuisine (2 mois) lui ont permis de se sentir "enfin comme un poisson dans l’eau".

"Je débordais de bonheur. Lorsque j’étais fatiguée, il suffisait que j’aille dans les cuisines pour me remplir un verre d’eau et faire un gâteau pour me sentir mieux. Mes amis me donnaient ensuite leurs impressions sur ma cuisine et cela me rendait heureuse. Quand j’ai appris à cuisiner, je me suis enfin sentie en phase avec moi-même", partage-t-elle.

Au bout de deux mois de formation, Nhu Y était finalement prête à révéler son choix à sa famille et affronter la colère de son père. Pendant quelques temps, il n’a plus adressé la parole à sa fille. Nhu Y a essayé d’apaiser la situation et a prié sa mère, ses frères et ses sœurs de persuader à son père de discuter.

"Un jour, papa m’a reparlé. Il m’a dit que j’avais pris ma décision et qu’il ne pouvait rien y faire. À partir de ce moment-là, je me suis sentie soulagée et disposer des meilleures conditions pour emprunter le chemin qui m’était destiné", affirme-t-elle.

Par la suite, Nhu Y a postulé pour devenir barmaid. La pression qu’elle a subi dans les premiers temps l’a parfois poussée à se demander : "Ai-je pris la bonne décision ?".

Mais un jour, une de ses sœurs lui a dit : "Le succès n’est jamais facile à atteindre. Que ce soit dans les études à l’université ou une formation professionnelle, c’est du pareil au même". "Ces paroles m’ont rendue plus forte", partage la jeune fille.

Nhu Y travaille actuellement dans un environnement dynamique qui respecte et valorise sa créativité : elle est barmaid principale pour une chaîne de cafés de la ville de Di An, dans la province de Binh Duong, au Sud.

Chaque jour, elle y prépare des boissons désaltérantes avec les ingrédients dont elle dispose. Elle confectionne ses propres sirops, ce qui permet à la boutique de conserver facilement les ingrédients et de créer des boissons avec les spécialités locales.

Elle travaille dix heures par jour, parfois quinze lorsque le café organise des concerts de musique acoustique le soir. Cette somme de travail ne la dérange toutefois pas puisqu’elle ne cesse d’améliorer ses compétences et d’en acquérir de nouvelles, notamment sur la manière de gérer un établissement. La jeune fille accumule tous ces savoir-faire avec un seul objectif : ouvrir son propre petit café où elle vendra des boissons et gâteaux qu’elle aura préparés avec amour.

Une scolarité à bas coût

Nguyên Thai Phuong en compétition lors du concours des métiers WorldSkills organisé en 2019 en Russie.
Photo : CTV/CVN

En 2019, Nguyên Thai Phuong, 24 ans, ancien étudiant en ingénierie du drainage et du traitement des eaux usées à l’École technique 2, a remporté le certificat d’excellence dans la catégorie des technologies de l’eau lors de la compétition WorldSkills, le plus grand concours des métiers au monde organisé tous les deux ans sous l’égide de l’Association WorldSkills international.

Il a ensuite été invité à enseigner dans son école. Pour l’heure, il entraîne les candidats vietnamiens en vue de l’édition 2021 de la compétition WorldSkills.

Phuong a enfin atteint la consécration et peut savourer le doux fruit d’une période d’entraînement intense. Une fois admis à l’Université d’agriculture et de foresterie de Hô Chi Minh-Ville, le jeune étudiant intègre l’École de formation professionnelle pour la simple raison que les frais d’inscription y sont moins chers. À cette époque-là, ils ne s’élevaient qu’à 6,5 millions de dông par an, soit la moitié des frais universitaires.

"J’ai un petit frère, mon père est malade et ne peut pas travailler alors que ma mère est vendeuse ambulante. Ce sont les raisons pour lesquelles j’ai voulu gagner de l’argent rapidement et payer mes frais d’inscription moi-même. J’ai choisi une école professionnelle car la formation est plus courte qu’à l’université et il est facile de trouver un emploi dès la sortie de l’école", explique Thai Phuong.

Ses efforts sont véritablement couronnés de succès lorsqu’il intègre l’équipe des enseignants spécialisés dans les technologies de l’eau. À ce moment-là, il avait déjà une expérience professionnelle significative dans une entreprise environnementale. Après une série de compétitions à travers le pays, Phuong est sélectionné pour représenter le Vietnam à l’international lors du WorldSkills 2019.

Durant ce concours d’envergure mondiale, Phuong redoute ses adversaires venus de pays dotés de technologies de pointe. C’était aussi la première année que le Vietnam participait à un concours sur les technologies de l’eau, le pays n’avait donc pas beaucoup d’expériences ni d’équipements.

"Mon école a importé une machine pour la mettre à disposition des étudiants. Mais quand elle est arrivée au Vietnam, je n’ai pas eu assez de temps pour en apprendre le fonctionnement. Je n’ai pu me familiariser avec qu’en Russie, lorsque je m’y suis rendu pour le concours, mais il m’aurait fallu plus de temps pour bien connaître l’appareil", raconte Phuong. Malgré cela, la compétition fut une réussite et Phuong reçut avec fierté un certificat d’excellence…

Phuong Nga/CVN

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