La légende du carambolier

Pendant 12 ans, les Tranches de vie hebdomadaires de Gérard Bonnafont vous ont dévoilé le Vietnam à travers le regard d’un expatrié. Anecdotes amusantes, portraits saisis au vol, scènes de la vie quotidienne, billets d’humeur, autant de mots d’un passionné du Vietnam qui vous a fait partager ses étonnements… Désormais, les tranches de vie laissent la place à des tranches de rêve. Des contes et légendes que nos grands-parents racontent aux petits, des histoires où le merveilleux se conjugue avec le bon sens d’une culture millénaire. Recueillies auprès des anciens, découvertes dans de vieux livres, souvenirs de notre enfance, nous espérons qu’elles vous raviront. Écoutez attentivement, Ông Ngoai (Grand-père conteur) tourne pour vous les pages du grand livre Vietnam, toute une histoire.

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Les caramboles.
Photo : Bùi Phuong/CVN

Pour ceux qui ne le savent pas, le carambolier donne la carambole, un fruit au goût acidulé ou sucré, qui sert souvent d’ornement dans la cuisine occidentale. Il est vrai que découpé, sa forme en étoile décore joliment l’assiette.

Au Vietnam, la carambole acide se trouve dans plusieurs plats populaires comme le bœuf sauté, le bouillon de crabes de rizière ou le poisson. Le carambolier est un arbre très présent dans les jardins des maisons vietnamiennes. Il est aussi le sujet de contes et légendes.

Carambole douce

Il était une fois, deux frères se partagèrent un héritage, à la mort de leurs parents. Ils étaient bien dissemblables. L’aîné, cupide et avare, s’empressa de s’emparer de tous les biens laissés par les parents. Il ne remit à son cadet et à sa femme qu’une misérable paillote délabrée, avec un petit bout de jardin dans lequel se trouvait un carambolier aux fruits juteux mais rabougris.

Le frère cadet n’était pas comme l’aîné. Lui et sa femme se contentaient d’une vie simple et de ce qu’elle leur offrait. Ils prenaient donc soin de leur carambolier et l’arrosaient sans cesse de manière à ce que l’arbre reprit vigueur et porta une quantité importante de fruits. Des fruits qui pourraient agrémenter leur quotidien ou qu’ils pourraient vendre au marché.

Mais, quand les caramboles commencèrent à mûrir, un oiseau d’une taille extraordinaire venait chaque matin pour en manger. Et quoi qu’il fît, il était impossible pour ce couple de l’en chasser. Cris, pierres jetées, pièges posés, le volatile se riait de tout et continuait à dévorer les fruits.

Un jour, l’épouse du cadet, seule devant le carambolier, se lamenta à voix haute : "Malheur à nous ! Pauvres que nous sommes ! Nous comptons tellement sur ce que doit nous rapporter le carambolier et voilà que cet infâme oiseau ravage tout. Nous connaîtrons probablement la faim". Surprise ! L’oiseau entendit ses lamentations, se pencha et répliqua d’une voix humaine : "Des caramboles je mange, de l’or je rends. Munissez-vous d’un sac de trois livres et suivez-moi pour en chercher !".

L’histoire sur le carambolier est l’une des meilleures légendes vietnamiennes.
Photo : Archives/CVN

Apeurée, la femme se précipita dans la chaumière pour avertir son mari. Les deux époux se concertèrent et décidèrent de coudre un sac selon la mesure indiquée, en attendant le retour de l’oiseau. Quelques jours plus tard, l’oiseau revînt, mangea tout son saoul de caramboles, puis descendit de l’arbre pour inviter l’époux à prendre place sur son dos avec le sac. Et, d’un seul coup d’aile, ils disparurent à l’horizon.

Effrayé d’être juché dans les airs, le cadet ferma les yeux. L’oiseau le transporta très, très loin avant d’atterrir sur une île déserte, couverte de pierres précieuses. "Prends en autant que tu peux !", dit l’oiseau. Le cadet remplit son sac à ras bords, puis le corbeau le ramena chez lui. À partir de ce jour, le couple connut la richesse et vécut dans une demeure luxueuse. Conscient des bienfaits dont il bénéficiait, il venait souvent en aide aux plus pauvres.

À l’occasion du jour commémoratif de la mort de ses parents, le cadet invita l’aîné à venir chez lui. Plein de mépris pour le cadet, qui ignorait tout de l’opulence dans laquelle vivait son frère, l’aîné tenta d’abord de se dérober puis exigea que le cadet tapisse le chemin de nattes et recouvre d’or le portail si ce dernier voulait le recevoir. Pensant bien que le cadet ne pourrait réaliser cela.

Carambole amère

Mais, le cadet, respectueux de son aîné, s’exécuta et l’aîné fût obligé de lui rendre visite. Lorsqu’il arriva devant la maison, lui et son épouse furent surpris devant l’opulence et la richesse du couple cadet. Jaloux et intrigué, l’aîné chercha habilement à comprendre ce qui s’était passé. Son cadet, honnête et franc, n’hésita pas à lui raconter l’histoire de l’oiseau géant qui l’avait emmené chercher de l’or.

Un carambolier chargé de fruits.

Avide, le couple aîné proposa d’échanger sa fortune contre seulement la paillote et le carambolier juteux. Les cadets, dans leur bienveillance, acceptèrent. Un jour, l’oiseau revint manger des caramboles et fit la même recommandation au couple aîné : un sac de trois livres pour aller chercher de l’or. L’aîné cupide choisit d’emporter deux gros sacs de six livres chacun et, une fois sur place, il les remplit d’or, à déborder.

Mais, sur le chemin de retour, épuisé par le poids démesuré de ces deux sacs, l’oiseau, qui n’en pouvait plus, vacilla et se pencha sur le côté. L’aîné glissa et fut jeté dans la mer où il se noya avec ses eux énormes sacs d’or. La morale de cette histoire ? Personne n’a plaint l’aîné qui fut l’objet de beaucoup de mépris quand on apprit son aventure et la façon dont il voulut avoir les yeux plus gros que le ventre, à cause de son avidité et de sa cupidité. Par contre, on continua à louer longuement le cadet et sa femme qui, pendant toute leur vie, continuèrent à aider les pauvres. Sans doute, le Ciel vient toujours en aide aux bons et punit toujours les méchants.

Et le carambolier ? Il resta au même endroit, produisant des fruits magnifiques que vint déguster de temps à autre un gros corbeau, sur lequel le frère cadet continua à se rendre à l’île aux trésors. Mais, depuis bien longtemps, le cadet et son épouse ont rejoint les nuages, et qui sait, si un jour, vous voyez un gros oiseau sur un carambolier, à côté d’une misérable paillotte ?

N’hésitez pas à vous munir d’un sac de trois livres…, on ne sait jamais !


Ông Ngoai/CVN

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